LA PLAGE

Ada me tendit une photo. Une plage qui s’étendait jusqu’aux maisons sur pilotis. Ici, rien n’était poussé à l’excès. Rien ne débordait. Rien ne s’apparentait aux illusions qui élevaient les êtres au plus haut degré de la grâce pour les traîner ensuite ventre à terre. Combien étaient-ils d’amants et de buveurs à faire pousser sous la peau la fièvre plutôt que le feu ?

Ici, c’était la plage de l’enfance, la plage des Chalets. Le lieu inoffensif. Comme l’étaient les autres plages catalanes, la villa sous les pins, la maison aragonaise et les rives de l’Ebre. Ada était assise sur le rebord d’un muret face à la mer. Derrière elle les bois bleus et blancs des façades. Un instant doux comme un flottement qui ne va nulle part. Elle savait que ses pas la mèneraient sur cette plage. La chaleur n’était pas encore écrasante. C’était le début d’un été. Les passants n’avaient pas cette démarche lente, éprouvée par la chaleur, ils n’avaient pas encore le même regard qui part au loin. Les débuts d’été ne ressemblaient jamais à leur fin. 

Elle était venue seule mais savait qu’ici elle trouverait le lien. Une voyageuse sous-estime toujours le chagrin qu’elle emporte, ici elle se savait hors de toute atteinte. Retrouver l’origine, le fil. Les allées entre les chalets étaient désertes. J’imaginais sur la petite place, il y a quarante ans, un homme assis sur les marches de son chalet, ses lèvres sur l’embouchure de sa trompette qui jouaient, You don’t know what love is. Le jeune homme ressemblait à Chet Baker, le même tee-shirt blanc moulant, la même manière de se pencher en avant, le même lyrisme délicat et pudique.

You don’t know how lips hurt

Until you’ve kissed and had to pay the cost

Nmb

LA PLAGE
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