TEXTE PARTICIPANTE, A FLEUR DE VIE

Ils passent, pressés, hâtés, flânés, ils vont, viennent.

Ils courent, halètent, s’attendent, s’espèrent, se désespèrent, regardent, leur montre, leurs messages; branchent leurs écouteurs sur les ondes du monde et se débranchent de la vie assise à leurs pieds.

 

Portent leurs courses, leurs marmots, leurs espoirs, leurs idées, leurs projets.

Parlent haut, fort, chuchotent, rient, crient, conversent, échangent, seuls, à deux, en bandes.

Ils se bousculent, se choquent, s’entrechoquent, se frôlent, se touchent, se pressent, s’oppressent.

Ils sont à naître, lissés, flétris, fanés, rosis, blanchis, noircis, transparents ou bedonnants.

Parsemés, ou en flots.

La rue se gorge et se dégorge, vit et meure, blanche et noire, artificielle et humaine; avec ses vitrines qui allèchent, assèchent, sa calèche désuète, ses odeurs qui dévient ou accrochent le ventre.

La vague humaine rythme le temps, calme, ou tempête agressive.

La rue, on s’y cache, s’y perd, s’en divertit, on ‘’l’asphalte’’, la piétine, la fuit, la ‘’tramwette’’ au son du gong.

 

Et lui, il est  posé, là, assis, au coin, figé, crispé, courbé, marmonnant ses mantras de S.D.F, le visage en guenilles; guenilles de la rue;  le corps en fripes, habillé par les ‘’ autres’, ces autres qu’il voit passer et repasser en tenue de ville, de ceux qui sont pressés, qui ont des idées, qui savent ou aller, d’où partir, d’où revenir, qui savent comment s’agiter.

A l’écart pour ne pas être écrasé, près de la porte du Monoprix pour en quêter des denrées… peut être ? Notre monnaie, plus sûre, un regard, trop incertain…

 

Petite gamelle, éparse de pièces, plus vide que celle du chien.

 

Il craint la taxe du voisin, le belliqueux d’en face, la bêtise humaine, avide d’un poupon de chiffon trop désarticulé pour défendre son os, l’ignorant qui viendrait à lui prendre sa place, bien située devant la bonne enseigne, sur la bonne rue, l’artère principale, celle qui donne du palpitant au cœur de la ville.

 

Un cri d’enfant brouille son regard, une pièce qui tombe rompt le silence du chien.

Lui, il connaît l’heure des autres, de ceux qui s’éveillent, de l’heure des poubelles du matin, de l’heure des croissants, de l’heure des sandwiches, de l’heure des quatre heures, de l’heure des mégots, à six heures quand ils ont tous fumés, il en reste un peu pour lui, de l’heure de la nuit, de l’heure du froid, celle de la maraude , celle  des poubelles du soir, quand elles sont bien gorgées des déchets de ces autres qui sont au chaud, quand, lui, panse sa journée, avant de s’engouffrer dans son corps pour la nuit.

Il est posé, là, allongé;  propriétaire sans taxe aucune, ni la foncière, ni l’habitation, ni l’horodateur, aucune valeur ajoutée, toutes soustraites de cette vie des autres qui filent devant lui, plus rares, silencieux, aveugles.

Une parole échangée le tient encore debout, couché pourtant.

Il est posé, las, endormi par la nuit, contre l’aine du chien en éveil pour lui.

Le corps endolori mais en vie, égratignée par elle mais ici; libre.

 

Rencontre d’un désir minimum.

 

Dans la tempête de la vague, certaines écumes résistent plus que d’autres à la brisure de l’asphalte. Marie-Pierre

 

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