28 Février 2020
Iguazu. Vingt-cinq février. Première impression vue du ciel. La jungle à perte de vue. Le saisissement face au flot émeraude et sa pulsation secrète. L’émotion face à la terre mère originelle. Une terre où la vie est donnée aux hommes. Le totem, la grande histoire pas encore approchée est un cœur sorcier, une révélation. Le fleuve qui serpente libre à perte de vue lui aussi. A quelques kilomètres les chutes immenses d’Iguazu. Renversantes de beauté. Je ne sais rien de la vie qui bat, de la liberté humaine, des rites primitifs, du regard du sage pas encore éprouvé.
Nous avançons sur la terre rouge, en pleine jungle. A notre droite quelques adolescents accoudés à un arbre, une vieille moto bleue, des enfants partout. Nous pénétrons dans l’une des communautés indiennes guarani. Sans que je puisse la retenir cette émotion. Devant la hutte séculaire, une autre maison, des murs en ciment, sans porte, sans vitres aux fenêtres. L’émotion devant les tout jeunes enfants jouant et cheminant en petits groupes. L’un d’eux nu et libre, les autres portant les habits des blancs. Peut-être ne revivrai-je plus jamais le bouleversement de ces instants, l’émoi face à ces frères humains habités par cette paix qui règne ici, une paix qui vous saute au cou, cette paix des regards dignes et doux, cette paix qui crée son propre domaine terrestre, la géographie intime d’un peuple arraché à sa terre à qui on a octroyé quelques hectares de forêt pour y construire leur maison. Tous pareillement naufragés mais paraissant si simplement heureux d’exister. La paix et la pauvreté. Une vieille femme vient à nous les bras ouverts. Elle nous embrasse, nous appelle ses amis. J’apprendrai plus tard qu’elle est la chamane du village. L’âme des anciens. Dans le petit temple de bois où elle officie, deux bâtons servant à danser et cogner le sol. L’émotion de nouveau face à son regard doux. Après quelques mots, elle s’éloigne et revient avec un jeune homme. Son regard a lui aussi est empreint d’une grande douceur. Il parle lentement en détournant parfois le regard. Il demande nos prénoms. La première chose qu’un indien demande, comme pour sceller une intimité naissante est le prénom. Aucun agencement de métal ici qui déguise l’humain sous son apparente modernité. Juste le portrait d’un frère que mon objectif saisit à la dérobée. L’homme nous évoque sa tribu, son histoire puis nous conduit dans la jungle à la découverte des pièges, de la plantation de manioc, des bananiers entourant l’école. Les murs peints en rouge dorment au soleil. C’est la saison des vacances d’été, les enfants jouent, rieurs et silencieux sur notre passage. Devant la hutte d’autres enfants entonnent un chant. La vieille chamane nous conduit jusqu’au stand de bijoux et de jaguars sculptés en bois. Rien ici qui porte le deuil sinon celui d’un passé dérobé. J’ai appris en une heure ce que la vie, cantonnée à son réalisme mimétique, tarde encore à m’apprendre : la simplicité.
Je pose ma plume. J’ai besoin un instant encore de fermer les yeux. nb
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